Histoire de la collection du musée

Pourquoi une collection ?

Un cas de force majeure : la collection Création Franche, à l’image du lieu qui l’héberge, est advenue comme un événement répondant en tous points à la définition de la force majeure qu’en donne le droit français : un événement extérieur, imprévisible, irrésistible.
Extérieur, car elle a pris forme à bas bruit, sans projet déclaré ni plan d’action posé, spontanément, par l’enchaînement de gestes généreux de créateurs en confiance dans l’environnement béglais de la Création Franche, telle que Gérard Sendrey l’entendait, deux termes dont il allait préciser le sens dans son manifeste « Histoires de Création Franche ›› en 1998.
Imprévisible, car totalement absente des préoccupations des initiateurs de la première exposition des Jardiniers de la Mémoire. Noël Mamère, le tout nouveau maire de Bègles, entendait alors simplement faire savoir que sa ville s’ouvrait à l’agglomération bordelaise après une longue période de glaciation.
Irrésistible, car les amitiés fortes qui se nouaient à l’amorce de cette aventure rendaient plus qu’inconvenant, impensable, le rejet des solidarités qui s`exprimaient, notamment chez les créateurs eux-mêmes et chez quelques collectionneurs.
La collection comme une fatalité en somme, ou, pour dire les choses autrement, une accumulation, sans l’onction d’un quelconque projet scientifique si cher au « gang des cannes blanches qui savent tout mais ne voient rien ›› selon la formule d’Antoine de Galbert.

Dès l’origine elle pointait l’extraordinaire vitalité d’une forme d’expression créative ostracisée par les institutions, démonstration tautologique de l’indépendance du créateur franc à l’égard de quelque forme de reconnaissance.
Les troupes furtives de la Création Franche se révéleront étonnamment importantes. En 1994, une première photographie en était faite avec la publication du catalogue « Regards sur la collection » du Fonds de Création Artistique Brute et inventive. Le temps était venu, aujourd’hui, de refaire un point d’étape détaillé. Le chemin parcouru est enthousiasmant, illustrant à l’envi que « l’homme du commun à l’ouvrage ›› de Dubuffet est bien au coin de la rue, qu’il suffit d’être attentif à ce qu’il nous montre pour installer un regard partagé. Ainsi prend forme une pensée oblique qui questionne sans relâche l’ordre établi, propose une représentation du monde décrétée inéligible par la norme, et fait émerger la réalité d’une relation à l’autre dénuée de tout calcul. Sans nul doute, cette force subversive ne saurait être jugulée ; ce catalogue pour en témoigner. Elle est le garant d’une histoire qui ne finira pas. Nous nous emploierons à l’accompagner aussi longtemps qu’il nous sera possible.
Cela ne se fera évidemment pas sans que nous sachions conserver la confiance accordée par la ville, les amis de la Création Franche et plus largement les publics.

Pascal Rigeade

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